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1
Comment se défend-on contre le SARS-CoV2 ?
Comment se défend-on contre le SARS-CoV2 ?
Depuis le début de la COVID-19, de nombreuses informations parfois contradictoires circulent sur les réseaux et à la télévision. Les informations scientifiques sont souvent noyées entre les inquiétudes et les débats politiques.
L’IXXI (Institut rhônalpin des systèmes complexes) a organisé une série de séminaires sur la COVID-19 dont le premier a eu lieu le 15 avril 2021. Le professeur Alain Fischer, président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale, y a présenté la réponse immunitaire contre le SARS-CoV2 [1].
2
Dans cet article, nous proposons un résumé simplifié de ce séminaire.
Ecrit par : Diane Letourneur
Relecture : Boris-Enock Zinsou
Un grand merci à Eric Guichard, maître de conférences HDR à l’Enssib et co-organisateur du cycle de séminaires de l’IXXI, pour sa relecture !
Le SARS-CoV2
Le SARS-CoV2 appartient à la famille des coronavirus beta. Ces virus causent des troubles respiratoires, et ont été transmis de l’animal à l’humain (on parle de zoonose) [2,3,4].
3
Virus
Apparition
Origine
SRAS (SARS-CoV-1)
2002, Chine
chauve-souris puis civette masquée
MERS-CoV
2012, Arabie Saoudite
Chauve-souris puis dromadaire ?
SARS-CoV-2
2019, Chine
Chauve-souris ?
Cette famille de virus est nommée coronavirus en raison d’une protéine, Spike, présente à leur surface et qui forme une couronne.
Spike
Génome : un brin d’ARN
Enveloppe
Structure simplifiée du SARS-CoV2
Spike peut se fixer à des protéines présentes à la surface de certaines de nos cellules. Le virus est ensuite internalisé, et se multiplie dans nos cellules [5].
Les espèces de coronavirus
beta
de la plus haute importance
clinique pour l’humain
4
Spike (partie RBD)
ACE2 ou TMPRSS2
L’entrée du SARS-CoV2 dans nos cellules
Les cellules de notre corps qui expriment le plus les récepteurs de Spike, et dans lesquelles le virus se multiplie le plus activement, sont les cellules épithéliales.
Cellules épithéliales cellules recouvrant la surface de la peau et des muqueuses Muqueuse surface de la bouche, des poumons, de l’intérieur du nez, de l’intestin...
La réponse immunitaire suite à une infection naturelle par le SARS-CoV-2 est l’immunité associée aux muqueuses.Cette immunité n’est pas stimulée par les vaccins actuels (qu’ils soient à ARN ou non), puisqu’ils sont injectés dans le muscle et pas au niveau des muqueuses.
Dans le futur, la mise au point de vaccins intranasaux (à inhaler) pourrait permettre une meilleure protection vaccinale.
Le SARS-CoV-2 se multiplie ainsi dans de nombreux organes : surtout le pharynx (au niveau de la gorge), mais aussi les poumons, intestin, rein, vaisseaux sanguins, testicules, coeur, foie....
cellule humaine
5
La COVID-19
Le SARS-CoV-2 est responsable de la pandémie de COVID-19, qui se caractérise par différents symptômes :
gravité de la maladie
fièvre, toux, diarrhéeperte de goûtperte d’odorat
pneumonie
détresse respiratoire
orage cytokinique
Un peu moins d’une personne sur 100 meurt suite à l’infection par le SARS-CoV-2.
La mortalité est plus élevée chez les :
personnes souffrant de maladies
des artères
hommes
personnes âgées
personnes diabétiques
personnes en surpoids
6
Dans les cas graves, le SARS-CoV-2 endommage les vaisseaux sanguins, et provoque une entrée massive des cellules immunitaires dans les poumons.
Ces cellules s’accumulent dans les espaces vides du poumon, qui sont normalement dédiés à l’assimilation de dioxygène et au rejet de dioxyde de carbone.
La respiration est ainsi moins efficace : il y a détresse respiratoire.
D’autre part, le SARS-CoV-2 active la coagulation du sang, ce qui génère des risques de formation de caillots. Les vaisseaux sanguins sont alors susceptibles de se boucher [6].
Dans de rares cas, des personnes infectées ont des auto-anticorps qui favorisent aussi la coagulation !
Détresse respiratoire
Thrombose : formation de caillots sanguins
7
La réponse immunitaire contre le SARS-CoV-2
Comme pour toutes les infections, le SARS-CoV-2 provoque une réponse immunitaire innée et adaptative de la part du corps humain.
temps
innée
adaptative
contrôle des dommages tissulaires
infection
Propriétés
Réponse innée
Réponse adaptative
Mise en place
rapide (quelques heures après infection)
lente (quelques jours après infection)
Cellules immunitaires
reconnaissent de grandes familles de microbes
chaque cellule est spécifique d’un microbe particulier
Mémoire
non
oui : la réponse contre un microbe est plus rapide et efficace à la 2e infection par le même microbe
Le patient a une forte charge virale avant l’apparition de symptômes.
Les réponses immunitaires innée et adaptative sont complémentaires.Nous allons les présenter dans le cas d’infections bénignes et sévères au SARS-CoV-2.
8
La réponse immunitaire innée
Dans le cas d’une infection contrôlée par l’organisme, qui n’entraîne pas de maladie grave :
1. Détection de l’ARN viral par la cellule infectée, via des récepteurs appelés TLR
ARN viral
TLR 3,7,8
1
2. Activation de la molécule antivirale nommée interféron de type I (IFN I)
IFN III
IFN I
3. Sécrétion de l’IFN I hors de la cellule infectée
4. Activation des récepteurs de l’IFN I (IFNAR) sur une cellule voisine ou bien la cellule infectée elle-même
IFN I
2
3
4
IFNAR 1 et 2
cellule infectée
cellule voisine
5. Activation des gènes de réponse à l’interféron
6. Inhibition de la multiplication virale
Gènes de réponse à
l’interféron
5
6
Réponse innée anti-SARS-CoV2
BON SCENARIO
9
L’interféron de type I est une molécule clef de la défense antivirale. Quelques heures après infection, sa production entraîne une diminution de la multiplication virale.
Les enfants ont une production d’interféron particulièrement élevée, ce qui les rend moins contagieux et moins à risque de développer des formes de COVID graves.
inhibition de l’entrée et de
la sortie du virus
Les effets anti-SARS-CoV2 de l’interféron de type I
activation de cellules dendritiques et macrophages, qui dévorent les virus
Les cellules dendritiques activent ensuite la réponse immunitaire adaptative.
MAUVAIS SCENARIO
Dans le cas d’infections sévères au SARS-CoV2, pouvant mener à la réanimation, on observe moins d’activation de l’interféron de type I.
Ce manque d’interféron est dû au virus, qui inhibe la production d’interféron, mais aussi à l’hôte. Les hommes, les personnes âgées, en surpoids, diabétiques, ou avec des maladies des artères produisent moins d’interféron. Certains facteurs génétiques (comme l’absence de TLR 3 ou 7) peuvent aussi diminuer la production d’interféron.
Dans ce cas, le virus active une molécule appelée NFκB qui entraîne une grosse production de cytokines pro-inflammatoires. On parle d’orage cytokinique [7,8].
10
Réponse innée anti-SARS-CoV2
MAUVAIS SCENARIO
ARN viral
TLR 3,7,8
A
IFN I
B
cellule infectée
A. Détection de l’ARN viral par la cellule infectée, via des récepteurs appelés TLR
B. Peu d’interféron de type I
NFκB
1
1. Le virus active la molécule NF
κB
cytokines
cytokines
cytokines
cytokines
cytokines
cytokines
cytokines
2. NF
κB active la production de
cytokines pro-inflammatoires
2
3. Les cytokines sont libérées hors de la cellule en grosses quantités
3
4
4. Inflammation anormale pouvant endommager
les
organes,
et
entrée
massive
de
cellules
immunitaires dans les poumons
INFLAMMATION
11
La réponse immunitaire adaptative
Après avoir dévoré quelques virus, les cellules dendritiques préviennent les cellules de l’immunité adaptative.
Il s’agit des lymphocytes T et B. Chaque lymphocyte reconnaît un motif particulier du virus, et est donc hautement spécifique ! La plupart des lymphocytes reconnaissent la protéine Spike.
cellule dendritique
lymphocyte T
lymphocyte B
INNE
ADAPTATIF
Y
Les lymphocytes T tuent les cellules infectées en les perforant de trous.
Les lymphocytes B, quant à eux, produisent des anticorps qui se fixent sur les virus et sur les cellules infectées. Ces anticorps empêchent l’entrée des virus dans les cellules, et favorisent leur élimination par les cellules dendritiques et macrophages.
Y
Y
Y
Y
Y
BON SCENARIO
12
Après une infection, les lymphocytes T et B se souviennent du microbe et sont plus rapides à intervenir lors d’une 2e infection. Cela s’explique par la présence de lymphocytes dits mémoire.
La plupart des personnes ayant la COVID ont un test sérologique positif, c’est-à-dire des anticorps spécifiques du SARS-CoV2. Ces anticorps semblent toujours présents après plusieurs mois, ce qui suggère que presque tout le monde développe une mémoire des lymphocytes B.
En revanche, tout le monde ne développe pas de mémoire des lymphocytes T.
temps
1ere réponse
infection
infection
2e
(mémoire)
Fait curieux :
Certaines personnes ont des lymphocytes T spécifiques du SARS-CoV2
, sans jamais avoir été infectées par le
SARS-CoV2
!
On pense qu’il s’agit de la mémoire d’une infection par une
famille voisine du SARS-CoV2, les coronavirus ɑ.
On ignore par contre si ces personnes sont mieux protégées
contre la COVID.
13
Les personnes âgées, diabétiques, ou en surpoids sont plus sensibles au SARS-CoV2 car ils produisent moins d’anticorps.
MAUVAIS SCENARIO
âge, diabète, surpoids, maladies artérielles
Bilan très simplifié
interféron de type Ianticorps
-
forte multiplication virale
14
Quelques mots sur les variants
Depuis le début de la pandémie, le SARS-CoV2 a muté. On dénombre plusieurs variants tels que le britannique, sud-africain et brésilien.La protéine Spike de ces variants est mutée. Les mutations sont au niveau du motif de fixation des anticorps !
mutation
SARS-CoV2 de
Wuhan
Variant
Y
Y
Ainsi, des anticorps générés par une 1ere infection par le SARS-CoV2 de Wuhan ne protègent pas forcément contre un variant. Il est donc possible de retomber malade une 2e fois.
Les vaccins actuels (à ARN ou non) protègent aussi bien contre le variant britannique. En revanche, il semble que seuls les vaccins à ARN (Pfizer, Moderna) protègent efficacement contre le variant sud-africain. Il protègerait également mieux contre le variant brésilien que l’Astrazeneca.
Avec les variants, il faudrait 60 à 70% de la population vaccinée pour que la France ait une bonne immunité collective. Plus de personnes sont vaccinées, moins le virus peut se propager.
Se vacciner nous protège, mais protège aussi les autres !
Spike
15
Les
mutations
font
partie
du
mode
de
fonctionnement
normal
des
virus.
Elles
apparaissent
spontanément
et
de
manière
aléatoire. Les variants les mieux adaptés aux contraintes environnementales et à l’hôte survivent et se
propagent.
Vers la fin de l’année 2020, on a observé une
propagation de variants du SARS-CoV-2 qui sont particulièrement contagieux.
Il est difficile de prédire comment le SARS-CoV-2
va encore évoluer. Les variants actuels ont des
mutations communes, ce qui laisse à penser que le
virus
n’a
pas
beaucoup
de
possibilités
d’
évolution. Peut-être qu’un nombre limité de
mutations sont possibles.
De plus, les vaccins à ARN ont l’avantage de
pouvoir être produits rapidement, et peuvent
protéger contre plusieurs variants.
Allons-nous éternellement devoir lutter contre de nouveaux variants ?
La mise au point de vaccins à ARN a été possible grâce à des années de recherche fondamentale.
La mise au point de vaccins avec des ARN issus de différents variants, et des rappels réguliers de la population, pourraient permettre de contrôler la pandémie et de retrouver une vie normale.
ATTENTION
MERCI
VOTRE
DE
Références
[1]
http://www.ixxi.fr/agenda/seminaires/cycles-de-seminaires/la-covid-19-regards-et-questions-interdisciplinaires/alain-fischer-president-du-conseil-dorientation-de-la-strategie-vaccinale-comment-se-defend-on-contre-le-sars-cov-2
[2]
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/sras
[3]
https://www.pasteur.fr/fr/centre-medical/fiches-maladies/mers-cov
[4] article “L’origine du SARS-CoV-2” publié sur cette plateforme
[5]Dhama, Kuldeep, Sharun Khan, Ruchi Tiwari, Shubhankar Sircar, Sudipta Bhat, Yashpal Singh Malik, Karam Pal Singh, Wanpen Chaicumpa, D. Katterine Bonilla-Aldana, et Alfonso J. Rodriguez-Morales. « Coronavirus Disease 2019–COVID-19 ». Clinical Microbiology Reviews 33, n
o
4 (16
septembre 2020).
https://doi.org/10.1128/CMR.00028-20
.
[6]
https://www.einfectiousdiseases.com/vaccins-covid-et-thrombose/
[7]Fajgenbaum, David C., et Carl H. June. « Cytokine Storm ». The New England Journal of Medicine 383, n
o
23 (3 décembre 2020): 2255‑73.
https://doi.org/10.1056/NEJMra2026131
.
[8]Wang, Jin, Mengmeng Jiang, Xin Chen, et Luis J. Montaner. « Cytokine storm and leukocyte changes in mild versus severe SARS‐CoV‐2 infection: Review of 3939 COVID‐19 patients in China and emerging pathogenesis and therapy concepts ». Journal of Leukocyte Biology, 13 juin 2020.
https://doi.org/10.1002/JLB.3COVR0520-272R
.
16